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Cote | Localisation | Statut |
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P SIM | Plus de détails sur cet exemplaire Code-barres: 0674184577 |
Auteur | Georges Simenon |
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Titre | Mon ami Maigret / Georges Simenon. |
Editeur | Paris : Presses de la Cité, 2003. |
Collection | Le Livre de poche |
Description | 219 p. : illustrée ; 18 cm |
Langue | Français. |
Centre d'intérêts | Roman adulte |
Support | Livre |
Médias
Georges Simenon est un écrivain belge francophone né à Liège (Belgique), officiellement, le [1] et mort à Lausanne (Suisse) le .
L'abondance et le succès de ses romans policiers (notamment les « Maigret ») éclipsent en partie le reste de son œuvre.
Simenon est en effet un romancier d’une fécondité exceptionnelle : on lui doit cent quatre-vingt-treize romans, cent cinquante-huit nouvelles, plusieurs œuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom, ainsi que cent soixante-seize romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous vingt-sept pseudonymes. Il est l'auteur belge le plus lu dans le monde.
Les tirages cumulés de ses livres atteignent 550 millions d’exemplaires. Georges Simenon est, selon l'Index Translationum de l'UNESCO de 2013, le dix-septième auteur toutes nationalités confondues, le troisième auteur de langue française après Jules Verne et Alexandre Dumas, et l'auteur belge le plus traduit dans le monde (3 500 traductions en 47 langues)[2].
Il a été choisi comme un des « Cent Wallons du siècle », par l'Institut Jules Destrée, en 1995.
André Gide, André Thérive et Robert Brasillach sont parmi les premiers hommes de lettres à le reconnaître comme un grand écrivain. André Gide, fasciné par la créativité de Georges Simenon qu'il avait souhaité rencontrer dès son succès policier, le questionna à maintes reprises, échangea une correspondance quasi hebdomadaire pour poursuivre les méandres créatifs de cet écrivain populaire et prit la surprenante manie d'annoter en marge tous ses romans, pour conclure en 1941 : « Simenon est un romancier de génie et le plus vraiment romancier que nous ayons dans notre littérature d'aujourd'hui. » Menant une enquête encore plus intense, mais plus courte en convoquant l'auteur à Darmstadt pour trois jours et nuits de questions ininterrompues, le philosophe allemand Hermann von Keyserling déclarait péremptoirement : « C'est un imbécile de génie. »
Georges Joseph Christian Simenon est né au 2e étage du 26 (aujourd'hui 24), rue Léopold à Liège[3]. Il est le premier fils de Désiré Simenon, comptable dans un bureau d’assurances et fils d'un chapelier, et d’Henriette Brüll, employée dans le magasin L'Innovation, treizième enfant issue d’une famille aisée, mariés le 22 avril 1902[4]. Fin avril 1905, la famille déménage au 3, rue Pasteur (aujourd'hui 25, rue Georges Simenon) dans le quartier d’Outremeuse. On retrouve l’histoire de sa naissance au début de son roman Pedigree.
La famille Simenon est originaire du Limbourg belge, une région de basses terres proches de la Meuse, carrefour entre la Flandre, la Wallonie et les Pays-Bas (voir aussi Euregio Meuse-Rhin). La famille de sa mère est aussi originaire du Limbourg, mais du côté hollandais, plat pays de terres humides et de brumes, de canaux et de fermes. Du côté de sa mère, il descend de Gabriel Brüll (paysan et criminel de la bande des Verts-Boucs qui, à partir de 1726, sous le régime autrichien, écuma le Limbourg, rapinant fermes et églises, et dont les membres finirent pendus en septembre 1743 au gibet de Waubach). Cette ascendance explique peut-être l'intérêt particulier que porta le commissaire Maigret aux gens simples devenus assassins. Le Limbourg apparaît aussi. Simenon a logé quelques semaines à Neeroeteren, notamment dans une maison qui lui inspira le roman La Maison du canal.
Le 21 septembre 1906, naît son frère Christian qui sera l’enfant préféré de sa mère, ce qui marquera profondément Georges. Ce malaise se retrouve dans des romans comme Pietr-le-Letton et Le Fond de la bouteille. Il apprend à lire et à écrire dès l’âge de trois ans à l’école Sainte-Julienne pour les petits. À partir de septembre 1908, il suit ses études primaires à l’institut Saint-André où, durant les six années qu’il y passera jusqu’en juillet 1914, il se classera toujours dans les trois premiers.
En février 1911, la famille s’installe dans une grande maison au 53, rue de la Loi, où la mère va pouvoir louer des chambres à des locataires, étudiants ou stagiaires, de toutes confessions et origines (russe, polonaise ou belge). Ce fut pour le jeune Georges une extraordinaire ouverture au monde que l’on retrouvera dans nombre de ses romans comme Pedigree, Le Locataire ou Crime impuni. À peu près à cette époque, il devient enfant de chœur, expérience que l’on retrouvera dans L’Affaire Saint-Fiacre et dans Le Témoignage de l’enfant de chœur.
En classe de sixième, en septembre 1914, il entre au collège Saint-Louis et, dès l'âge de douze ans, il décide de vouer sa vie au roman. Lors de l’été 1915, il connaît sa première expérience sexuelle avec une « grande fille » de quinze ans, ce qui sera pour lui une véritable révélation, à l’encontre des préceptes de chasteté promus par les pères jésuites. Cependant il poursuivra sa scolarité dans un autre collège jésuite de Liège, le collège Saint-Servais, qui prépare aux sciences et aux lettres et où il passera trois années de sa scolarité. Cependant, le futur écrivain est toujours mis un peu à l’écart par ses camarades plus fortunés et, s'il s’était éloigné de la religion malgré l'enseignement reçu à Saint-Louis, il trouve au collège Saint-Servais maintes raisons de haïr les riches qui lui font sentir son infériorité sociale.
Un jour de l'année 1916, le médecin de la famille Simenon fait appeler le jeune Georges pour lui dire que son père n'a pas plus d'une année à vivre et qu'il lui faut travailler. Cette révélation bouleverse le jeune Georges. En février 1917, la famille déménage pour s’installer dans un ancien bureau de poste désaffecté du quartier d’Amercœur. En juin 1918, prétextant les problèmes cardiaques de son père, il décide d’arrêter définitivement ses études, sans même participer aux examens de fin d'année ; s'ensuivent plusieurs petits boulots sans lendemain (apprenti pâtissier, commis de librairie).
En janvier 1919, en conflit ouvert avec sa mère, il entre comme reporter à la rubrique « faits divers » du journal très conservateur La Gazette de Liège, dirigée par Joseph Demarteau, troisième du nom. Cette période journalistique est pour le jeune Simenon, juste âgé de seize ans, une extraordinaire expérience qui lui permet d’explorer les dessous de la vie d’une grande ville, ceux de la politique, mais aussi de la criminalité, de fréquenter et pénétrer la vie nocturne réelle, de connaître les dérives dans les bars et les maisons de passe ; elle lui permet aussi d’apprendre à rédiger de façon efficace. Il écrira plus d'un millier d'articles sous plusieurs pseudonymes, dont 150 sous le pseudonyme « G. Sim ». Durant cette période, il s’intéresse particulièrement aux enquêtes policières et assiste aux conférences sur la police scientifique données par le criminaliste français Edmond Locard. Outre ces thèmes que l'on retrouvera plus tard dans ses romans, l'influence catholique et « réactionnaire » de La Gazette de Liège l'ont conduit à signer, sous le titre « Le Péril juif », une série de 17 articles pugnaces, radicalement et fortement antisémites[5]. Simenon méprisait également les grévistes, le mouvement dada, et manifestait « un antisocialisme radical à relents populistes, un anticommunisme caustique [et] un antimaçonnisme de circonstance[6] ».
En juin 1919, la famille déménage à nouveau pour revenir dans le quartier d’Outremeuse, dans la rue de l’Enseignement. Simenon y rédige son premier roman « Au pont des Arches », publié en 1921 sous son pseudonyme de journaliste. À partir de novembre 1919, il publie les premiers de ses 800 billets d’humeur, sous le nom de Monsieur Le Coq (jusqu’en décembre 1922). Durant cette période, il approfondit sa connaissance du milieu de la nuit, des prostituées, de l’ivresse d’alcool, des garçonnières en ville. Parmi ses fréquentations, il rencontre des anarchistes, des artistes bohèmes, et même deux futurs assassins, qu’on retrouvera dans son roman Les Trois Crimes de mes amis (1938). Il fréquente aussi un groupe artistique, dénommé « La Caque[7] », mais sans réellement s'investir ; cependant, c’est dans ce milieu qu’il rencontre l'éditeur Robert Denoël et une étudiante en Beaux-Arts, Régine Renchon[8], qu’il épousera en mars 1923. Dans Quand j'étais vieux (Presses de la Cité, p. 132), Simenon évoque (4 janvier 1961) l'influence qu'a eue sur lui le journal de la FGTB liégeoise La Wallonie, nomme André Renard, et auparavant (30 décembre 1960), la grève de 1960-1961 dont les images le font souffrir et lui donnent envie d'envoyer un télégramme « à la Wallonie qui est à la tête de la révolte du peuple belge », sans qu'on puisse dire s'il s'agit du journal La Wallonie, du pays ou des deux.
Durant toute cette période, lors de laquelle il fréquente des bohèmes et des marginaux, Georges commence à caresser l’idée d’une véritable rupture, qu’il concrétise après la mort de son père sur la suggestion répétée de sa fiancée artiste-peintre Régine Renchon, dénommée affectueusement Tigy. Le 11 décembre 1922, il débarque à Paris pour s’installer et préparer la venue de Tigy qu'il prévoit d'épouser au printemps. Ce grand jeune homme blond, sûr de lui, confiant dans son avenir et plein d'une vitalité effrontée sous des apparences prudentes et timides, n'a pas choisi la vie d'artiste, puisqu'il bénéficie par l'intermédiaire de Georges Plumier, homme d'affaires, de solides recommandations auprès d'un réseau politique animant la droite française, auréolée de sa représentation à la Chambre bleu horizon. En particulier, Binet-Valmer, écrivain mondain, animateur de la Ligue des chefs de sections et des anciens combattants s'est engagé à le prendre sous son aile. Las, Simenon découvre que cette protection ne comporte que des menus services de portefaix et de manutention sommaires mal rétribués, même si son protecteur présomptueux s'est engagé à le présenter à des cercles littéraires. Aussi, vite remis de cette première désillusion, le jeune homme encore pauvre reporte son enthousiasme sur la Ville Lumière, la grande capitale des arts, découvre avec avidité ses multiples charmes et apprend à aimer ses délires, ses désordres et ses délices.
Le jeune homme n'abandonne pas ses projets et se marie à Liège avec Tigy le 24 mars 1923. Disposant des meubles de l'épousée, qui a d'ailleurs plus de ressources financières que le mari, le couple emménage à Paris. Active, Tigy installe un atelier et peint beaucoup de portraits qu'elle expose à Montmartre. Simenon, hâbleur, sait faire la « chasse aux femmes », qui constituent les plus importants modèles de Tigy. Avec son épouse, Georges Simenon approfondit sa connaissance des arts. Il est attiré par la gravure et la sculpture, poursuit inlassablement sa découverte de la peinture impressionniste commencée à Liège. Jeune poète sensuel, il voudrait en plus donner une troisième dimension à l'expression écrite, exalter par l'écriture une sorte de « matière des mots », donner du poids et de la consistance aux choses écrites. Dans cette quête littéraire solitaire, ce manuel qui aime toucher, sentir physiquement ce qu'il accomplit retient surtout comme maître d'écriture Gogol et ses héritiers, à commencer par Dostoïevski et le courant psychologique né des écrivains russes jusqu'à Tchekhov.
Le couple aux revenus très modestes fréquente le petit cercle des expatriés liégeois. Enfin, la recommandation au réseau parisien lui permet de s'extirper de l'obscur travail à la Ligue. Le marquis Jacques de Tracy, jeune héritier récemment marié, l'un des grands bienfaiteurs de la Ligue, le prend pendant plus d'une année en tant que secrétaire et homme de confiance. Un revenu et un statut plus confortable extirpent Simenon de sa dépendance associative.
Alors que le jeune homme intelligent pénètre les arcanes de l'aristocratie française en déclin, tant en campagne qu'à Paris, ses premières tentatives littéraires l'amènent à fréquenter le milieu des lettres et des journalistes littéraires. Il place, racontera-t-il plus tard, beaucoup d'espérances en des contes et nouvelles, qu'il apporte à Colette, directrice littéraire du très puissant quotidien parisien Le Matin. Et l'écrivain des années cinquante de suggérer tacitement la sévérité et la cruauté de la patronne Colette, refusant fermement toute chance d'édition au jeune écrivain raté. La femme mûre vivant dans la haute société luxueuse proche du pouvoir lui impose des conseils de rigueur française, afin d'éviter la préciosité d'un style empâté ou pastiché : Écrivez des histoires simples, surtout pas de littérature. Et lorsqu'il récidive, elle lui rend le manuscrit, dépitée : « Encore trop littéraire ! » Vis-à-vis de la presse de l'après-guerre, Simenon, qui n'ignore pas la popularité de l'écrivain, immortelle égérie de la littérature française, l'appelle l'« adorable Colette » et lui fait endosser mythiquement la paternité de son style et de son œuvre. En réalité, les faits démentent cette histoire pour journalistes : nullement insensible à la beauté du jeune homme à l'accent liégeois – qu'elle appelle « mon petit Sim » – et qui, sous des airs narquois, paraît encore si timide, Colette a finalement accepté au moins deux manuscrits, nécessairement concis pour des impératifs de publication, dans la rubrique Les mille et un matins, et dont l'un fut publié le 27 septembre 1923. Ce qui est plus probable est le rôle à longue échéance de la mondaine Madame Colette, introductrice surtout de l'écrivain reconnu auprès de la belle société.
C'est mu par ses expériences que Georges Simenon simplifie radicalement son écriture et observe avec rigueur le fonctionnement de l'écriture commerciale selon les genres : littérature enfantine d'aventures et de combats, écrits de cœur pour midinettes, histoires sensuelles pour dactylos, drames effrayants pour concierges, historiettes de gare pour voyageurs, écrits érotiques ou licences pornographiques... Il commence à écrire sous des pseudonymes de plus en plus nombreux, visite maintenant les éditeurs et diffuseurs industriels pour collecter des demandes concrètes, fréquente de moins en moins et en tous cas sans plus rien en attendre l'oisive et futile coterie littéraire parisienne. Les jours de relâche ou de fatigue, il part encore plus souvent à la découverte des bistrots, bougnats, meublés, hôtels minables, brasseries et petits restaurants, qui lui offrent le beaujolais, l’andouillette et les petits plats mitonnés.
Il rencontre avec plus d'attention le petit peuple parisien d’artisans besogneux, de concierges acariâtres et de pauvres types à la double vie, d'autant plus que, dès l'été 1924, le fructueux labeur du couple lui donne accès à un bel appartement place des Vosges.
Sa créativité, stimulée par rencontres, voyages et séjours au-delà de la ville éditrice, lui assure un succès financier rapide en trois années. Passé vingt-deux ans, il abat directement avec sa machine à écrire deux écrits de genre populaire par semaine à raison de huit heures et quatre-vingts pages par jour. À la maturité, commençant toujours à partir de 4 heures du matin, il avoue rédiger vingt pages fermes par d'intenses matinées et écrire invariablement un roman en onze journées, nécessairement continues.
En 1928, il entreprend un long voyage en bateau (un canot de cinq mètres équipé d’un petit moteur)[9] dont il tire des reportages. Il y découvre l’eau et la navigation, qui deviendra un fil rouge tout au long de son œuvre. Il décide en 1929 d’entreprendre un tour de France des canaux et fait construire un bateau, l’Ostrogoth, sur lequel il vivra jusqu’en 1931. En 1930, dans une série de nouvelles pour Détective, écrites à la demande de Joseph Kessel, apparaît pour la première fois le personnage du commissaire Maigret.
En 1932, Simenon part pour une série de voyages et de reportages en Afrique, en Europe de l’Est, en Union soviétique et en Turquie. Après une longue croisière en Méditerranée, il s’embarque pour un tour du monde en 1934 et 1935. Lors de ses escales, il effectue des reportages, rencontre de nombreux personnages et fait beaucoup de photos. Il en profite aussi pour découvrir le plaisir auprès des femmes sous toutes les latitudes. En avril 1977, lors d'un entretien avec son ami Federico Fellini, il avoue sur le ton de la boutade avoir effectué un petit calcul et être arrivé à un total de 10 000 femmes depuis l'âge de treize ans et demi, dont 8 000 étaient des prostituées[10].
Au cours des années 1930, Simenon voyage et effectue de nombreux reportages dans le monde entier : l’Afrique en 1932, l’Europe de la crise, les pays de l’Est, la Turquie et la Russie en 1933 et le tour du monde en 1934-35. C’est ainsi que, lors de son enquête sur l’Europe de la crise, il se rend à Charleroi, ville industrielle du Hainaut. Ce n’est pas le premier contact de Simenon avec Charleroi : en 1920, Le Rappel a publié deux de ses contes et, en 1921, le jeune reporter qu’il était y a suivi une course d’automobiles. Par contre, en février 1933, l’écrivain prend le temps d’observer, d’enregistrer les lieux et d’entrer en contact avec les habitants. À ce propos, il préfère parler avec ce qu’il appelle « les petites gens », c’est-à-dire les ouvriers. L’un de ces ouvriers l’invite au palais du Peuple, qui concentre toutes les organisations syndicales socialistes, et Simenon l’interroge sur leur situation sociale, leur manière de vivre et sur les grèves de 1932. Charleroi est touché par la crise économique, le chômage, la fermeture de charbonnages, de verreries et d’industries métallurgiques. De plus, Simenon enregistre les décors de la ville : les corons où habitent les ouvriers, les rues, les maisons salies par la pollution industrielle, les trams, le paysage industriel... et le palais du Peuple.
Il profite de ses trajets dans la ville pour prendre de nombreuses photos. Elles lui serviront pour illustrer le reportage Europe 33 que publiera l’année suivante la revue parisienne Voilà. À Charleroi, Simenon va faire ce qu’il fera toujours au cours de sa carrière de romancier : mettre en mémoire un décor, dramatique ou paisible, qu’il réutilisera, peut-être des années plus tard, comme cadre spatial d’un roman. Ici, il va se cadrer dans le site de Charleroi pour imaginer, à l’automne de la même année, son roman Le Locataire, adapté à l’écran en 1982 par Pierre Granier-Deferre sous le titre L’Étoile du Nord, avec Philippe Noiret et Simone Signoret. Le héros du roman, Élie, est un homme en crise qui arrive dans un Charleroi en crise. Meurtrier, il vient se cacher dans une sorte de pension de famille à Charleroi. Pour rendre vrai son roman, Simenon va introduire son personnage dans les décors qu’il a vus, photographiés et mémorisés dans la ville belge. Il fera de même pour toute son œuvre, que le roman se situe à New York, à Paris, à Papeete, à Istanbul ou dans les 1 800 lieux différents qu’il a connus en voyageant[11],[12],[13].
Dans l'œuvre de Simenon, trente-quatre romans et nouvelles se situent ou évoquent la ville de La Rochelle. Parmi les romans dans lesquels apparaît cette ville et sa région, on peut citer Le Testament Donadieu (1936), Le Voyageur de la Toussaint (1941) et Les Fantômes du chapelier.
— Extrait du Testament Donnadieu
Il découvre La Rochelle en 1927, alors qu’il passe ses vacances à l’île d'Aix, fuyant l'attraction de Joséphine Baker dont il était l’amant. Cette année-là, il se découvre aussi une passion pour la navigation, et c’est lors d’une course en bateau qu’il débarque sur les quais de La Rochelle et va prendre un verre au café de la Paix qui va, plus tard, devenir son quartier général et sera le lieu central de son roman Le Testament Donnadieu. C'est dans ce café, en 1939, qu’il apprend en écoutant la TSF la déclaration de guerre ; il commande alors une bouteille de champagne et, faisant face à l’incompréhension des présents, il dit : « Au moins, celle-là, on est sûr qu’elle ne sera pas bue par les Allemands ! »
D'avril 1932 à 1936, il s’installe avec son épouse Tigy à La Richardière, une gentilhommière du XVIe siècle, sise à Marsilly, qu’il utilise comme décor du château des Donnadieu : « [...] ce bâtiment de pierre grise avec sa tour coiffée d’ardoises, autour duquel une allée de marronniers, un petit parc, puis, serré, touffu, humide, coincé entre de vieux murs, un bois en miniature, deux hectares de chênes, domaine des araignées et des serpents. »
De 1936 à 1938, il emménage à Paris, boulevard Richard-Wallace. Il livre notamment des reportages pour Voilà, le Courrier Royal ou France-Soir.
Début 1938, il loue la villa Agnès, à La Rochelle, avant d’acheter en août 1938 « une simple maison des champs » à Nieul-sur-Mer. Son premier fils, Marc Simenon, y naît en 1939. Dans Le Haut Mal (publié en 1933), l'intrigue se déroule principalement à Nieul[14].
C'est souvent entre amis que l'on ressuscite ce genre de souvenirs. Personnels bien que communs à tous, constitutifs de notre petite histoire, pas vraiment de la grande, et pourtant... De Bobet à Bombard, de Bobino aux billes de la récré, de Cesarem legato alacrem eorum à Gaston / y'a l'téléfon / qui son', avec un détour par Rintintin, Zappy Max, les "p'tits trous" des tickets de métro, les débuts de Johnny, Email Diamant, Louis Caput, et Ploum Ploum Tra la la, Georges Perec enfile ces "impalpables petites nostalgies" comme des [...] perles. Apparaît alors un de ces colliers d'enfants colorés, bigarrés, émouvants par leur irrégularité maladroite, et que l'on chérit déjà comme le souvenir-symbole d'un passé heureux. Réunis entre 1973 et 1977, ces souvenirs minuscules et ordinaires "arrachés à l'insignifiance" rassemblent des instants, bribes et lambeaux d'une réalité dont Perec fut le témoin entre sa dixième et sa vingt-cinquième année, soit entre 1946 et 1961. Ils furent rédigés entre le prix Renaudot qu'il reçut pour son premier roman, Les Choses (1965) et le prix Médicis pour La Vie mode d'emploi (1978). --Laure Anciel